Hébron /PNN/

Les habitants de Khirbet Susiya, au sud d’Hébron, l’une des communautés de Masafer Yatta, ont mis en place des patrouilles nocturnes pour protéger les personnes et les biens face à l’intensification des attaques de colons israéliens, dans un contexte que les riverains décrivent comme une protection assurée par l’armée aux assaillants et un silence international se limitant aux condamnations.

Ces gardes de nuit ont été organisés à l’initiative des habitants afin de protéger leurs familles, leur bétail et leurs biens, a déclaré Jihad al-Nawajaa, chef du conseil du village. Des volontaires se relaient tout au long de la nuit — un groupe se repose tandis qu’un autre veille — pour surveiller la communauté et dissuader les incursions de colons.

Selon al-Nawajaa, les attaques prennent diverses formes, notamment des incendies criminels, des accaparements de terres, des passages à tabac et du harcèlement, les plus dangereuses étant celles menées la nuit. Le village, situé au sud d’Hébron en Cisjordanie occupée, subit des agressions quasi quotidiennes qui se sont intensifiées depuis la guerre menée par Israël à Gaza en 2023, a-t-il ajouté. Des colons, encouragés selon lui par le soutien du gouvernement israélien d’extrême droite et par l’armement généralisé des groupes de colons, ont lancé des attaques coordonnées contre des localités palestiniennes du nord de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain jusqu’à son extrême sud.

Ces conditions ont contraint les habitants à s’organiser pour s’auto-protéger avec des moyens rudimentaires — lampes torches, bâtons et feux pour se réchauffer — tandis que de jeunes hommes restent éveillés toute la nuit, a expliqué al-Nawajaa. « Ce sont des méthodes simples avec des ressources limitées », a-t-il dit, soulignant que le conseil du village ne peut offrir qu’un soutien modeste en l’absence de toute autorité assurant la protection ou empêchant les attaques de colons.

Il a précisé que les habitants gardent désormais les entrées du village et les points hauts qui le surplombent, éclairant des torches et effectuant des rondes autour des maisons, des panneaux solaires et des citernes d’eau — des infrastructures fréquemment visées par des incendies ou des actes de vandalisme visant, selon lui, à rendre la vie invivable et à contraindre les Palestiniens à quitter leurs terres.

Al-Nawajaa a indiqué à Palestine News Network (PNN) que des militants internationaux de solidarité et des opposants à la colonisation viennent parfois soutenir la communauté, mais qu’ils sont eux aussi confrontés au harcèlement, aux arrestations et aux attaques de la part des forces israéliennes et des colons. « Israël ne veut pas de témoins des crimes commis par l’occupation et ses colons contre le peuple palestinien », a-t-il déclaré.

Il a souligné que Susiya est une communauté palestinienne dont les moyens de subsistance reposent sur l’élevage. Les habitants, a-t-il dit, sont déterminés à protéger leurs animaux et leurs biens par des moyens pacifiques — veiller ensemble la nuit et se rassembler autour de feux pour se réchauffer par temps froid, souvent exploité par les colons pour mener des attaques. Les patrouilles, a-t-il insisté, sont strictement destinées à la garde et à la défense des biens.

Nasser al-Adra, militant opposé à la colonisation, a déclaré que les habitants de Khirbet Susiya ont la volonté, la détermination et le droit de rester sur leurs terres, ce qui les pousse à se protéger eux-mêmes et leurs familles. « Le colon est arrivé en tant qu’agresseur, imposé par la force de l’occupation et de son pouvoir », a-t-il dit. « Nous appartenons à cette terre. Elle connaît nos ancêtres depuis sept générations. Les colonies et les colons savent qu’ils sont temporaires, quel que soit le temps que cela prendra. »

Al-Nawajaa a réaffirmé la détermination des habitants de Susiya à défendre leurs terres et leurs droits, en particulier sous l’actuel gouvernement israélien dirigé par des figures d’extrême droite, dont le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qu’il accuse d’avoir encouragé les colons, facilité les attaques et assuré leur protection. « Les habitants de Khirbet Susiya n’ont pas d’alternative à leur patrie et à leur village », a-t-il dit. « S’ils sont déplacés, ils n’ont nulle part où aller. »

Khirbet Susiya, située au sud de la ville de Yatta, dans le gouvernorat d’Hébron, abrite environ 45 familles, soit quelque 445 personnes. La communauté est soumise depuis des années à des attaques systématiques et quasi quotidiennes de colons.

Ces agressions remontent aux premières étapes de la colonisation de la zone. En 1984, la colonie de Susiya a été établie sur des terres appartenant à des résidents palestiniens, qui ont été déplacés de force par les autorités israéliennes en 1986 et empêchés de retourner sur leurs terres d’origine. Ils n’ont été autorisés à rester qu’à la périphérie, à proximité de zones dont ils demeurent exclus.

Depuis, les familles palestiniennes vivent sous une violence persistante de colons, qui s’est fortement intensifiée depuis la guerre de 2023 à Gaza. Les habitants font état de vandalisme systématique, de harcèlement, de vols, d’incendies criminels et d’insultes racistes, menés sous la protection et la couverture des forces militaires et policières israéliennes.

Ce reportage a été réalisé dans le cadre du programme Qarib, mis en œuvre par l’Agence française de développement des médias (CFI) avec le soutien financier de l’Agence française de développement (AFD).